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Jean Giono,  Rondeur des jours

« La vie, c'est de l'eau. Si vous mollissez le creux de la main, vous la gardez. Si vous serrez les poings, vous la perdez.»

« Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n'ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l'homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. La civilsation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c'est vivre et que vivre, nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu'à toutes les heures de la journée, nous atteignons notre but véritable si nous vivons. Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l'aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail; qu'il s'allonge à travers leur travail, pendant ce qu'ils appellent "toute la journée"; puis qu'il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qu i disent : les jours sont longs.
Non, les jours sont ronds.
Nous n'allons vers rien, justement parce que nous allons vers tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu'ils contiennent, d'en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre. Vivre n'a pas d'autre sens que ça.
Tout ce que nous propose la civilisation, tout ce qu'elle nous apporte, tout ce qu'elle nous apportera, rien n'est rien si nous ne comprenons pas qu'il est plus émouvant pour chacun de nous de vivre un jour que de réussir en avion le raid sans escales Paris-Paris autour du monde.
Cette heure trouble où les jours se séparent de la nuit, où l'ombre se dépose dans les vallées de la terre, où le ciel s'éclaire, où tout est comme un vase qu'on a longtemps agité et qui maintenant  va avoir son repos et sa clarification. Le rossignol a changé son chant. Ce n'est plus ce ruissellement de musique dont il a noyé sa femelle - et elle est sur la branche du tilleul, désormais lourde et sourde, et elle a fermé ses petites paupières rondes et le vent la balance du même balancement que les feuilles - ce n'est plus ce fleuve sonore, c'est une longue note à peine un peu tremblante. Longue comme ce déchirement de l'aube là-bas, au-dessus des collines de l'Est. Des gouttes de rosée glissent le long des feuilles des arbres, puis tombent, et les arbres sont tout tremblants et il n'y a pas de vent, mais cependant voyez comme les aulnes et les peupliers frémissent. L'air est léger. Il a cette qualité des eaux de source dans la montagne : on arrive là; on a soif. On la voit verte, on la croit trop fraîche. On la boit, et alors on la trouve justement faite pour l'état exact de votre gosier et de votre corps à ce moment là. Et vous repartez avec des forces nouvelles. Le soleil se lève. Avec lui les odeurs. Dans les lointaines collines, les lilas sont fleuris. Le fleuve a baissé là-bas, dans les fonds de la vallée, car l'odeur des limons vient de monter. Un écureuil a écorché les hautes branches du bouleau; une odeur de miel vient de descendre. Les pluies passées ont découvert les racines d'un cyprès qui sentent l'anis. Une belette invisible court sous l'herbe du pré, et nous ne la voyons pas, nous voyons seulement l'aigrette des avoines qui tremble, mais nous sentons toutes les odeurs de ces herbes que la belette charrie de ses petits bonds souples, la flouve, l'esparcette, la fétuque, le trèfle et le sainfoin, la pâquerette et les milles petites herbes collées contre la terre noire elle-même, avec ses champignons, ses vers, ses petits morceaux de bois pourris.
Je suis couché et je dors. Comment le jour entre-t-il en moi ? Dans le moment de cette heure trouble où le jour est né, moi-même endormi, ai été clarifié; les rêves se sont enfuis comme le vent des arbres et le sommeil s'est déposé lentement dans les vallées de mon corps. Déjà tout ce qui émerge - pareil au sommet des collines qui dans le monde au-dehors viennent se gonfler en bosses d'or - tout ce qui émerge du sommeil en moi prend vie et chante. Je suis encore endormi mais j'entends, je sens les odeurs, je bois instinctivement à la fraîche fontaine de l'air nouveau. Les bruits et les parfums me racontent des histoires que ma pensée toute libre enregistre. Par l'odeur d'anis j'ai vu, les yeux fermés, les racines noires du cyprès; par le chant du rossignol, j'ai vu la dame du rossignol ivre d'amour et de chanson nocturne, s'abandonner à la danse aurorale des feuilles; par le froussement de la prairie et les éclats de parfum qui jaillissent dans les bonds de la belette, comem des cymbales d'odeur, j'ai suivi la course de la belette fauve depuis le tronc du saule jusqu'à sa petite bauge chaude. Enfin mes paupières sont touchées d'un épi d'or. Je m'éveille. Le soleil est posé sur mon visage.
Le monde est là; j'en fais partie. Je n'ai d'autre but que de le comprendre et de le goûter avec mes sens. Et je me lève comme le conducteur de quadrige mettait le pied sur la plate-forme du char avant de se laisser emporter par la course de ses quatre chevaux.
Tous les matins ont une heure de l'ange. Une heure pendant laquelle battent doucement les ailes multicolores de l'annonciateur. Selon la saison, c'est parfois une longue pluie sombre qu iarrive pendue sous le ventre du vent; ou bien c'est une pluie grise installée dans toute la largeur du ciel et qui grignote la terre, les branches nues et même les pierres poreuses des fontaines; ou bien c'est le clair soleil paisible et fleuri et dans le mouvement de bras d'un invisible semeur, la terre est ensemencée de poignées d'oiseaux, qui font crépiter les feuillages des arbres, ou bien c'est le vent. Cette heure est toute la bénédiction du jour. Elle est le commencement de tout ce qui est promis, de tout ce qui sera tenu, de tout ce qui est caché dans cette partie du ciel vierge où le soleil aujourd'hui n'a pas encore passé.
C'est l'heure du travail des champs. C'est le moment où la bêche vole et chante, où elle est bien aiguisée comme il faut, où la terre est meuble à souhait, où le cordeau bien tendu file tout droit le long des levées de terre où nous planterons les salades et les poireaux, les oignons et les aubergines. Nou aurons de l'indulgence pour le petit scarabée d'or qui s'épuise dans les fraisiers pour atteindre une fleur blanche. Nous regarderons l'abeille à peine éveillée, lourde encore de rosée et qui vient faire sa toilette sur le bourgeon rose de la vigne. Nous ne déchirerons pas la dentelle de l'araignée, et même nous regarderons la taupe sans rien dire, sans bouger notre bêche, sans envie de tuer, ému par la tristesse noire de cette petite bête fourrée, qui n'y voit pas et qui respire, extasiée sous les ailes multicolores de l'ange annociateur. Puis nous irons fumer sous l'arbre et écouter les troupeaux qui sortent regarder les chars qui abordent les routes pleines de poussière; nous attendrons un petit moment puis, tout d'un coup, nous entendrons la vie tumultueuse des vallées et des prairies où le soleil vient à peine d'entrer.
Ainsi doucement, de l'aube du matin et de la mtinée à midi, doucement. La lumière qui monte dans l'arbre au-dessus de la terre arrondit le jour sous sa main dorée. Tout est harmonieux et juste comme les grains dans un galet roulé tout le long du fleuve.
Midi. Puis les longues heures un peu cruelles qui penchent vers la nuit. Et elles sont d'abord éclatantes de soleil et sonores, mais, comme les jeunes Ephésiennes qui descendaient de la colline à la source de la vallée et qui d'abord dansaient sur le chein plein de soleil et balançaient leur hanches rondes, puis, dès que l'ombre du val où elles plongeaient atteignait leurs pieds, elles devenaient de danse plus calme et elles entraient dans l'ombre jusqu'aux genoux, jusqu'au ventre, jusqu'aux seins, jusqu'à la tête; les cheveux surnageaient, puis plus rien, et à ce moment là, elles marchaient posément vers les fontaines dans l'ombre profonde du vallon. Ainsi les heures de l'après-midi.
Le soir. Tous les arbres de l'Ouest sont en bataille contre le soleil et on les voit s'étirer, hausser leurs feuillages comme un bouclier et cacher la lumière. Un peu de jour suinte entre les feuilles comme si le bouclier était fait de mille peau de petites bêtes et que les coutures soient en train de craquer parce que l'arbre guerrier essayait d'étouffer les soubresauts de l'arbre. Mais dans cette lutte les arbres de l'Ouest ne gagnent jamais. Voici le soleil libre. On le voit entre les troncs. Alors, l'herbe qui en dessous les arbres entame la lutte avec ses mille lances et peu à peu c'est elle qui gagne, elle doit percer le soleil par le fond avec ces milles et milles armes terribles que brandissent les avoines, les flouves, les fétuques, les trèfles et les ainfoins. Le soleil, crevé, se vide comme un oeuf dans le dessous de la terre, et c'est la nuit. Alors - mais seulement, si nous sommes sages - nous marcherons posément vers les fontaines dans l'ombre profonde de la nuit.
»

SARL Moby Dick - 17 rue Pierre Brossolette - 29 770 Plogoff

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